Kls | Blog

L'immobilier commercial : un actif stratégique pour les banques, à l'heure du Net Zéro

Rédigé par Lisa Humeau | 13/11/24 09:42

Dans un contexte mondial où la lutte contre le changement climatique devient de plus en plus pressante, l'immobilier commercial s'inscrit comme un secteur clef pour la réalisation d'objectifs ambitieux en matière de durabilité. Alors que les émissions de carbone liées à la construction et à l'exploitation des bâtiments continuent de représenter un défi considérable, l'engagement envers un avenir Net Zéro apparaît non seulement comme une nécessité environnementale mais également comme une opportunité d'investissement durable. Ce virage vers la décarbonation offre ainsi de nouvelles perspectives pour les acteurs de l'immobilier commercial qui sont désormais confrontés à l'impératif d'adapter leurs pratiques, leurs stratégies d'investissement et leur gestion patrimoniale à ces enjeux de taille.

Les spécificités de l'immobilier commercial

  • Diversité des actifs : L'immobilier commercial offre une large gamme d'opportunités, allant des petites surfaces commerciales aux grands centres logistiques, permettant aux banques de diversifier leurs investissements.
  • Revenus locatifs stables : Les baux commerciaux, souvent de longue durée, assurent des revenus réguliers et prévisibles, attrayants pour les investisseurs institutionnels.
  • Valorisation potentielle : L'immobilier commercial peut connaître une appréciation de sa valeur au fil du temps, offrant un potentiel de gain en capital.
  • Effet de levier : Les banques peuvent utiliser l'effet de levier pour financer l'acquisition d'actifs immobiliers, augmentant ainsi leur rendement potentiel.

Défis actuels de la décarbonation immobilière

Le secteur du bâtiment joue un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique. En France, il représente 23% des émissions nationales de gaz à effet de serre (GES) selon les chiffres de l'ADEME, soit 43,8 millions de tonnes équivalent CO2 en 2021 [1][2]. À l'échelle mondiale, la construction est l'un des principaux responsables des émissions de GES, émettant autant de CO2 tous les trois ans que l'ensemble des autres activités sur la planète en une seule année [1].

Impact des bâtiments sur les émissions de carbone

Les bâtiments, qu'ils soient tertiaires ou résidentiels, sont de grands consommateurs d'énergie, représentant 45% de la consommation nationale. Cette consommation élevée se traduit par des émissions indirectes de l'ordre de 30 mégatonnes de CO2e, soit un peu plus de 7% des émissions nationales. De plus, en 2019, la construction d'un nouveau bâtiment était responsable d'environ 60% de l'empreinte carbone du secteur [1].

Objectifs de réduction des émissions d'ici 2030

La France s'est engagée dans une trajectoire de neutralité carbone d'ici 2050, conformément à l'Accord de Paris. Pour atteindre cet objectif, la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) vise à réduire les émissions de GES dans tous les secteurs, dont le bâtiment [2]. Cependant, le rythme de baisse des émissions est jugé insuffisant pour atteindre les objectifs de réduction d'au moins 40% en 2030 par rapport à 1990 [3].

Bien que les émissions du secteur des bâtiments aient fortement diminué en 2022 (-14,70%), cela s'explique principalement par la clémence des températures hivernales et l'inflation des prix de l'énergie, qui ont poussé les Français à la sobriété énergétique. Hors effet météorologique, les bâtiments n'auraient baissé leur émission que de 5,3% [3]. Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) souligne que les politiques actuelles ne permettent pas de rénover suffisamment de biens immobiliers, avec seulement 66 000 logements résidentiels rénovés en 2022 contre un objectif de 370 000 rénovations par an d'ici 2030 [3].

Stratégies de rénovation durable

Pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre fixés par l'Accord de Paris, la rénovation des bâtiments existants émerge comme une stratégie vitale [4]. Alors que la construction neuve joue un rôle clef par sa capacité à atteindre rapidement les réductions d'émissions nécessaires, elle est entravée par des taux de renouvellement lents. La rénovation offre ainsi une voie pratique et efficace en termes de carbone pour atteindre ces objectifs.

Importance de la rénovation profonde

Le décret tertiaire, entré en vigueur le 1er octobre 2019, oblige les bâtiments tertiaires et leurs parties prenantes à réduire leurs consommations d'énergie de 40%, 50% et 60% d'ici respectivement 2030, 2040 et 2050 par rapport à une année de référence. Sont concernés les locataires et propriétaires de bâtiments tertiaires d'une surface de plancher supérieure ou égale à 1 000 m2 [2].

Pour s'assurer de respecter le décret, il est primordial de situer le bâtiment actuel par rapport aux exigences, notamment via des audits énergétiques et la mise en place de plateformes de suivi des consommations. Cela permettra de définir l'année de référence la plus favorable et de clarifier les obligations respectives des parties prenantes.

Décarbonation du chauffage

Les investissements dans des améliorations énergétiques telles que l'isolation, les systèmes HVAC, l'éclairage intelligent et la production d'énergie renouvelable peuvent entraîner des réductions substantielles des coûts liés à l'énergie et des émissions opérationnelles quotidiennes dans les bâtiments commerciaux.

En ce qui concerne le chauffage, les principaux leviers sont le remplacement des chaudières à fioul ou à gaz par des systèmes bas-carbone (réseaux de chaleur ou pompes à chaleur), une meilleure isolation des bâtiments, des actions de sobriété (réduction de la température de chauffe) et d'efficacité (entretien des chaudières, pilotage des bâtiments), ainsi que le passage de certains bâtiments au biogaz [6].

Investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de 2030

Selon une étude récente, les niveaux d'investissement actuels dans les secteurs de l'énergie, du bâtiment et des transports ne représentent que la moitié du total des investissements nécessaires chaque année pour atteindre les objectifs climatiques de l'UE d'ici 2030. En effet, un investissement annuel moyen global d'au moins 813 milliards d'euros, soit 5,1 % du PIB de l'UE, serait requis, alors que les investissements dans l'économie réelle n'ont atteint que 407 milliards d'euros en 2022. Ce déficit d'investissement européen dans le domaine du climat s'élève ainsi à 406 milliards d'euros par an, soit 2,6 % du PIB [4].

Déficit d'investissement actuel

Dans le secteur immobilier français, ce manque d'investissement se traduit par un retard dans la formalisation d'une stratégie immobilière et le déploiement d'outils de gouvernance pour la piloter. De plus, le "mur d'investissement" nécessaire pour entamer la transition vers un parc immobilier durable est estimé entre 140 et 150 milliards d'euros à l'horizon 2050 par le Cerema [5]. Ces besoins techniques et de structuration de la filière de rénovation ralentissent déjà dangereusement les rénovations sur le marché privé.

Contribution nécessaire des propriétaires et des prêteurs

Pour relever ce défi d'investissement, les propriétaires immobiliers et les prêteurs ont un rôle crucial à jouer. Les propriétaires doivent intégrer des critères de durabilité dans leurs décisions d'investissement, en favorisant les bâtiments certifiés et les normes de construction respectueuses de l'environnement. Cela permettra non seulement de réduire l'empreinte carbone des bâtiments, mais aussi d'offrir un meilleur confort aux locataires et une valeur patrimoniale accrue.

Quant aux prêteurs, l'exploitation des données vertes leur permet d'analyser les risques et les opportunités liés à un projet immobilier en termes de durabilité. Ces données, telles que la performance énergétique, la consommation d'eau et les risques climatiques, sont essentielles pour prendre des décisions éclairées sur le financement de projets durables. Cependant, l'accès à des données fiables et normalisées reste un défi majeur, nécessitant le développement de normes et de méthodologies communes [7].

Les enjeux pour les banques

  • Risque climatique : Les actifs immobiliers non performants sur le plan environnemental risquent de perdre de la valeur, entraînant des pertes financières pour les banques. De plus, selon un rapport de France stratégie, le montant moyen annuel mondial d’actifs échoués à cause du réchauffement climatique pourrait varier de 300 à 1000 milliards USD d’ici 2050, selon le scénario.
  • Attentes des investisseurs : Les investisseurs institutionnels sont de plus en plus sensibles aux critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) et exigent des portefeuilles d'investissement plus durables.
  • Opportunités d'investissement : La rénovation énergétique des bâtiments et la construction de nouveaux actifs verts offrent de nouvelles opportunités d'investissement pour les banques.
  • Rôle de financeur : Les banques peuvent accompagner la transition vers le Net Zéro en proposant des financements verts et en développant des produits financiers innovants.

Les actions à mettre en œuvre

Pour intégrer le Net Zéro dans leur stratégie d'investissement immobilier, les banques doivent :

  • Évaluer l'empreinte carbone de leur portefeuille existant et identifier les actifs les plus énergivores.
  • Définir des objectifs de réduction des émissions et mettre en place des plans d'action pour les atteindre. Plusieurs grandes banques se sont déjà engagées à atteindre la neutralité carbone de leurs portefeuilles immobiliers d'ici 2050. [8]
  • Privilégier les investissements dans des actifs performants sur le plan énergétique ou ayant un potentiel de rénovation.
  • Développer des partenariats avec des acteurs spécialisés dans la rénovation énergétique et la construction durable.
  • Sensibiliser et former leurs équipes aux enjeux du Net Zéro et de la finance durable.

Face à ces enjeux, Kls se positionne comme un partenaire incontournable pour les institutions bancaires. Notre fonctionnalité Debt Tracking, dispose d’une partie spécifiquement conçue pour le financement de l'immobilier commercial, accompagnant les banques à chaque étape de leur processus, de l'analyse des risques à la gestion du portefeuille en passant par le suivi des performances environnementales. Notre plateforme intuitive et collaborative facilite la communication entre les différentes parties prenantes, accélérant ainsi la mise en œuvre des projets et favorisant une transition efficace vers un portefeuille immobilier Net Zéro.

Conclusion

Dans l'ensemble, s'engager vers l'immobilier commercial Net Zéro représente un défi majeur mais également une formidable opportunité de redéfinir les pratiques, les investissements et la gestion patrimoniale dans le secteur. Ces démarches ne sont pas seulement cruciales pour atteindre la neutralité carbone, mais constituent également des leviers d'opportunités économiques et de valorisation patrimoniale.

L'implication de tous les acteurs, des propriétaires aux investisseurs en passant par les prêteurs, est essentielle pour surmonter les défis actuels et capitaliser sur les avantages à long terme d'une transition écologique. Les implications de cet engagement dépasse le cadre du secteur et s'inscrivent dans une perspective globale de lutte contre le changement climatique, soulignant l'urgence et l'importance de promouvoir des bâtiments moins gourmands en énergie et respectueux de l'environnement. Ainsi, par la mise en œuvre des stratégies évoquées, l'immobilier commercial peut significativement contribuer à un avenir durable pour tous.

Références

[1] - https://www.hellocarbo.com/blog/calculer/bilan-carbone-batiment/

[2] - https://bigmedia.bpifrance.fr/nos-dossiers/empreinte-carbone-du-batiment-et-des-travaux-publics-btp-en-france

[3] - https://lixim.fr/actualite/climat-l-immobilier-bon-eleve-mais-peut-mieux-faire

[4] - https://www.i4ce.org/publication/rapport-deficit-investissement-climatique-europeen-trajectoire-pour-avenir-europe-climat/

[5] - https://www.carbone4.com/analyse-decarbonation-parc-immobilier-public

[6] - https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/23064_decarbonation-batiment.pdf

[7] - https://info.creditlogement.fr/levert/