Banques et intelligence artificielle : une transformation en marche ?
Le secteur bancaire traverse aujourd'hui sa plus grande transformation depuis l'avènement d'Internet. L'intelligence artificielle dans le secteur bancaire est devenue bien plus qu'une simple innovation technologique - c'est une révolution qui bouleverse les méthodes de travail traditionnelles.
La transformation digitale des banques ne se limite pas à l'adoption de nouvelles technologies. Les défis qui en découlent, souvent sous-estimés, méritent une attention particulière. Dans cet article, nous explorerons les principaux enjeux liés à l'adoption de l'IA dans le secteur bancaire, en dressant un état des lieux des défis à relever dans le cadre du nouveau règlement de l’IA Act.
La résistance au changement dans le secteur bancaire
Une résistance significative face à l'intelligence artificielle dans la banque est constatée, avec 52% des cadres bancaires qui identifient la résistance organisationnelle comme un défi majeur dans le déploiement de l'IA.
Cette réticence s'explique par plusieurs facteurs critiques :
- La complexité des exigences réglementaires, avec 42% des cadres qui peinent à garantir le respect des normes en terme de gestion de données.
- Les préoccupations liées à la gouvernance des données et leur confidentialité
- L'opacité de certains systèmes d'IA, créant un effet "boîte noire" difficile à expliquer
- La crainte pour la sécurité de l'emploi, avec 37% des collaborateurs qui estiment leur poste menacé, selon une étude universitaire menée pour le compte du syndicat SNB/CFE-CGC
La transformation digitale en banque se heurte particulièrement aux défis d'explicabilité. Les algorithmes d'intelligence artificielle deviennent de plus en plus complexes, rendant difficile la compréhension et l'explication de certains résultats. Cette situation est d'autant plus problématique que la réglementation bancaire exige une mesure du risque intuitive et compréhensible.
Nous observons également une tension croissante entre l'automatisation et le jugement humain. En effet, 66 % des personnels en contact direct avec la clientèle ressentent déjà la pression liée aux contraintes techniques et à l’utilisation des outils technologiques.
L'intelligence artificielle dans la banque ne peut fonctionner sans supervision humaine, les régulateurs insistent sur le fait que l'expertise et le jugement humains restent essentiels pour garantir des résultats fiables.
Transformation des compétences et des métiers
La transformation des compétences dans le secteur bancaire s'accélère sous l'impulsion de l'intelligence artificielle dans la banque. Selon une étude récente de l'OPCO Atlas : 50% des métiers financiers verront leurs activités modifiées par l'IA générative, créant un besoin urgent d'adaptation.
De nouvelles compétences essentielles émergent pour le secteur bancaire :
- Maîtrise approfondie des outils digitaux et de l'IA
- Capacités d'analyse et d'interprétation des données
- Adaptabilité au changement technologique
- Expertise en gestion de projet numérique
Le secteur fait face à une réalité marquante : 23% des métiers financiers subiront des changements radicaux, particulièrement dans les domaines de l'audit et de la comptabilité. Nous devons noter que 8% des métiers seront en forte demande, notamment pour les spécialistes en finance quantitative et les data scientists.
Face à ces évolutions, les banques devront déployer des programmes de formation ambitieux. Leurs collaborateurs devront suivre des formations complémentaires afin de s’adapter aux nouvelles technologies.
Transformation numérique et réinvention de l'expérience client
Depuis des années, les banques évoluent avec leurs clients et les avancées technologiques. Elles ont adopté une approche multicanale pour offrir une expérience plus fluide. Par exemple, les clients peuvent effectuer des opérations courantes via des applications mobiles, obtenir des conseils personnalisés en visioconférence, prendre rendez-vous en agence physique ou encore échanger avec un conseiller via des plateformes de messagerie instantanée.
À l'avenir, quelle sera la place de l'intelligence artificielle dans ces échanges multicanaux ? Les banques pourront-elles combiner la puissance de l'IA pour offrir des interactions encore plus personnalisées, tout en préservant le lien humain indispensable à la confiance des clients ?
L'importance des données clients
L’intelligence artificielle repose sur l’exploitation de volumes massifs de données pour affiner les services bancaires et personnaliser l’expérience client. Les banques ont accès à une typologie de données variée, que l’on peut classer en plusieurs catégories, par exemple :
- Données transactionnelles : historiques des paiements, virements, achats par carte bancaire, qui permettent d’analyser les habitudes de consommation et d’évaluer la solvabilité d’un client.
- Données comportementales : interactions avec l’application mobile, connexions à l’espace client, canaux de communication privilégiés, qui offrent une meilleure compréhension des usages et besoins des clients.
- Données socio-démographiques : âge, profession, situation familiale, adresse, qui sont essentielles pour adapter les offres et propositions commerciales.
- Données issues de sources externes : informations issues des réseaux sociaux, bases de données publiques…
Toutefois, l'utilisation de ces données est strictement encadrée par la réglementation bancaire et les exigences de protection des données personnelles. L’enjeu est donc double : exploiter ces données de manière pertinente pour améliorer les services et prévenir les risques (fraude, blanchiment, crédit), tout en garantissant transparence et conformité pour maintenir la confiance des clients.
Dans ce contexte, les banques doivent investir dans des solutions d’IA éthiques et explicables, assurant une gouvernance des données rigoureuse et une supervision humaine continue des décisions algorithmiques.
L'IA Act : Un cadre pour l'IA dans le secteur bancaire
Depuis le 1er aout 2024, l'Union Européenne a mis en place l'IA Act, une régulation pionnière pour encadrer l'intelligence artificielle. Plus qu'une simple contrainte, c’est l’expression des valeurs européennes. Ce texte se concentre sur les usages de l'IA plutôt que sur la technologie elle-même.
Classification des risques et obligations
L'IA Act adopte une approche par les risques, classant les systèmes d'IA en quatre catégories :
- Risque inacceptable : interdiction des techniques de manipulation subliminale et de notation sociale.
- Risque élevé : les systèmes d'IA utilisés dans l'administration de la justice, les processus démocratiques, et l'accès aux services publics essentiels (incluant l'activité bancaire comme l'évaluation de la solvabilité et le score de crédit, ainsi que l'assurance comme l'évaluation des risques et la tarification) sont soumis à des obligations.
- Risque limité : obligation de transparence, l'utilisateur doit être informé qu'il interagit avec une IA (chatbots, deepfakes).
- Risque minimal : non réglementé, concerne l'essentiel des cas d'usage de l'IA (jeux vidéos, filtres antispam).
Les banques doivent donc cartographier leurs systèmes d'IA, les classer et mettre en œuvre les mesures de conformité nécessaires.
Acteurs et mise en application
L'IA Act s'applique à toute la chaîne de valeur, des fournisseurs d'IA aux utilisateurs comme les banques. Son entrée en vigueur est progressive, avec une première étape (interdiction des IA à risque inacceptable) dès février 2025. La supervision sera assurée par l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution) pour le secteur financier en France, en coordination avec la BCE.
L'IA Act est une opportunité pour les banques de renforcer la confiance de leurs clients en garantissant une utilisation responsable et éthique de l'IA.
Conclusion
L’intelligence artificielle redéfinit en profondeur le secteur bancaire, transformant à la fois les compétences, les méthodes de travail et l’expérience client. Cependant, cette révolution technologique ne peut réussir sans des efforts d'adaptation. Les banques doivent relever plusieurs défis : accompagner leurs équipes dans l’acquisition de nouvelles compétences, garantir une supervision humaine des algorithmes, et se conformer au cadre réglementaire du IA Act. Ce dernier impose une gestion rigoureuse des risques liés à l’IA, offrant ainsi l'opportunité de renforcer la confiance des clients.
En équilibrant technologie et expertise humaine, les banques assureront leur pérennité. Dans cette dynamique, l'avenir pourrait aussi voir émerger de nouveaux modèles de services financiers intégrant des IA toujours plus transparentes et éthiques, capables d'innover tout en restant alignées sur les attentes sociétales et réglementaires.
Références
https://sk-consulting.fr/intelligence-artificielle-et-relation-client-dans-la-banque-assurance/
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